Johann Zarco, Le Mans 2025 avec ce post de notre instagram qui a fait le buzz : “Le Zour de Gloire”
Est-il encore nécessaire de présenter Johann Zarco. Le seul pilote de l’histoire à avoir enchaîné deux titres mondiaux en Moto2, un pilote MotoGP solidement installé parmi les avant-postes depuis des années, le meilleur pilote Honda de 2025 et l’auteur d’une victoire historique au Grand Prix de France. Mais Johann, pour moi, c’est aussi un autre visage. Celui que j’ai découvert en 2013, bien avant les projecteurs, quand Philippe de Dubois Moto (un sponsor de Johann à ses débuts) me le présente. Puis Laurent Fellon, son manager de l’époque, me parle de ZF Grand Prix, leur structure pour former les jeunes. À ce moment-là, je suis séduit par leur projet et avec mon petit site 400 000 Motards je vais financer deux mini-motos pour des gamins, avec un coup de pouce de David , ancien MIB de Moto et Motards passé chez Furygan. Et depuis, avec Johann, on était resté en contact en se croisant souvent dans le tumulte des Fan Zones, jusqu’à cette vidéo en avant-saison que j’ai tournée avec Ersan et qui a eu son petit succès. Alors quand Johann me propose une sortie vélo un samedi matin le long de la baie des anges et au-delà, j’accepte. Pas pour faire une interview au sens pro de terme, mais plus une discussion à la brooap. C’est à dire 20 % WTF, 30 % impro, 50 % “mais putain pourquoi je pose cette question à la con » (en Français dans le texte). Et voici ce que ça donne.

132 BPM, 132 jours de MotoGP, 132 kilocalories : trois nombres pour raconter un pilote qui n’a jamais cessé d’être humain derrière la machine.

Johann Zarco, Le Mans 2025 avec ce post de notre instagram qui a fait le buzz : “Le Zour de Gloire”
Moi
Improbable de se retrouver ici, Johann.
La dernière fois qu’on s’est croisés, c’était sur la Fan Zone du Mans, la veille de ton triomphe.
On ne va pas revenir dessus, on en a déjà fait le tour.
Mais sache que le titre que j’avais trouvé ce fameux dimanche, “Le Zour de gloire”, a été l’un des posts les plus vus de l’année.
Johann
(rire)
Ça me fait plaisir.
Et ton reportage en Espagne… je l’ai revu il y a peu.
C’était vraiment un bon moment.
Les images de la fin, avec le tour de piste embarqué, j’aime vraiment bien.
C’était un reportage touchant.
Moi
Bon, en tout cas, on se retrouve pour une nouvelle interview… avec une forme encore bien originale.
Je vais essayer de ne pas démériter, parce que ça fait quelques semaines que je n’ai pas retouché un vélo.
Donc faut pas m’en vouloir si je traîne un peu.
Johann
Non mais t’inquiète.
Au contraire.
Il ne faut pas que je monte trop en BPM.
Dans le travail que je fais avec Olivier, mon entraîneur, qui est hyper rigoureux, on s’est rendu compte que ce qui m’importe, c’est soit de faire du fond et d’être entre 120 et 132 BPM, soit d’aller beaucoup plus haut.
Mais là, une sortie tranquille, c’est parfait.
Et puis, c’est même bien de trouver un mec comme toi qui accepte de se traîner.
Parce que parfois, je roule avec des mecs qui vont trop vite, et pour travailler le fond c’est nul.
Donc le fait que tu te prennes un peu la bite… c’est parfait. rire
Moi
C’est marrant parce que ce n’est pas la première fois que tu me parles de ta préparation physique avec autant de précision.
C’est une vraie caractéristique chez toi. Le soin que tu apportes à ton corps.
Je dirais même une forme d’écoute.
Je me trompe ?
Johann
Non, pas du tout.
C’est vrai.
C’est peut-être quelque chose que notre père nous a transmis, lui qui était chiropracteur.
Il continue d’ailleurs à donner pas mal de conseils quand on le sollicite.
Et cette année encore, à part Phillip Island, j’ai réussi à éviter tous les microbes.
C’est en étant justement à l’écoute de mon corps.
Parfois tu es fatigué, alors tu sautes volontairement un entraînement parce que tu sais que ça te mettrait dans une fatigue dommageable.
C’est hyper important.
Moi
Et du coup, t’arrives à faire du vélo partout et en toute saison ?
C’est quand même un sport de prédilection pour vous.
Johann
Oui, c’est vrai. J’aime bien rouler. Quand je suis en déplacement loin, je loue sur place un vélo.
Mais pas que.
J’aime beaucoup le ski de rando et des trucs plus ludiques comme le padel.
J’ai juste un problème récurrent d’inflammation, ce qui rend la course à pied un peu plus compliquée.
Mais globalement, j’aime bien mettre du plaisir dans la préparation physique.
Comme pédaler avec toi ce matin face à ces beaux paysages.
Il me montre la mer.
On ne s’en rend pas compte, mais ça passe le temps et on s’entraîne bien quand même.
Moi
Tu n’as jamais de séances difficiles, où tu te fracasses en salle ?
Johann
Non pas tellement.
Oui, j’ai un petit espace à la maison, ça m’évite d’aller dans des grosses salles.
Je reste tranquille.
Mais c’est plus pour du travail ciblé.
Encore une fois, je préfère quand c’est ludique.
Et puis après, pendant l’année, on est tellement sollicités sur la moto que c’est vraiment entre maintenant et janvier que je fais le gros du travail de fond.
Moi
C’est vrai que fin janvier tu seras déjà pas loin de la reprise.
C’est fou, parce que pour nous les fans, la coupure paraît longue…
Mais pour vous, ça arrive vite. Dès fin février il faut être opérationnel.
Comment tu vois cette saison qui arrive ?
Ça commence à ressembler un peu au début de la fin ?
Johann
Non, pas du tout.
Franchement, je ne me projette pas encore du tout dans cette notion de fin de carrière.
Je suis super content d’avoir un contrat jusqu’à fin 2027, et je suis projeté sur ces deux prochaines saisons.
En réalité, on bosse pour ça.
C’est parfois ce qui est frustrant à comprendre : on travaille aussi pour un projet qui joue encore dans deux ans.
Et dans les moments difficiles cette année, c’est ce que je disais aux ingénieurs :
« Fin 2027, l’objectif, c’est qu’on ait tous grandi ensemble. »
Donc je suis focus sur ce projet-là.
Moi
Tu m’offres une transition parfaite pour revenir sur cette année.
On ne va pas rentrer dans les détails — il y a un seul Michel Turco sur terre et je ne suis clairement pas expert —
mais quand même… ta saison, ça n’a pas été un long fleuve tranquille.
Il y a eu des hauts et des bas.
Voire même des très très hauts, et des très bas.
Johann
Oui bien sûr, c’est vrai.
Cela dit, j’y repensais il y a quelques jours : quand je regarde l’ensemble de mes saisons, j’ai souvent eu des moments difficiles en milieu d’année.
Ce n’est pas forcément propre à cette saison-là.
Moi
Mais quand même… sans trahir de secrets…
Qu’est-ce qui s’est passé après Le Mans ?
Johann
Ce n’est pas évident à comprendre quand on regarde ça de l’autre côté de l’écran, je le sais parfaitement.
Mais une saison de MotoGP, c’est tellement complexe.
Et ça met tellement de gens en jeu.
En ce qui nous concerne, Honda était parti en début d’année avec un projet.
Les premiers essais n’étaient pas satisfaisants. Et pas que pour moi, pour tous les pilotes Honda.
On a dû repartir en arrière.
Mais Honda avait déjà investi massivement dans ce projet.
Que ce soit pour les pièces, ou pour les corrections à faire, tout ça prend énormément de temps… et de budget.
Et pendant ce temps, les courses s’enchaînent.
Ça a été vraiment difficile.
Et puis il y a eu ce moment où je n’ai eu qu’une seule moto livrée par Honda pour rouler.
Le vendredi j’avais une moto, le samedi j’en avais une autre.
Ça n’a pas été facile.
Mais tu sais… ce n’est facile pour personne.
Quand un pilote dit « J’ai l’impression de ne pas avoir de grip », ça peut tout dire et rien dire.
Ça peut venir du pilotage, de la moto, d’un degré en plus ou en moins, de l’inertie, de ta position…
Il y a un énorme travail ensuite avec les ingénieurs.
Et ça, ce n’est pas évident.
Moi
On a quand même eu l’impression, à un moment donné, que d’autres pilotes Honda disposaient de meilleurs réglages.
Johann
Pas forcément.
C’est aussi que parfois tu t’entêtes sur des réglages, ou une forme de pilotage.
Ça ne marche pas pendant des semaines…
et d’un coup, ça fonctionne parce que les conditions se réunissent pendant quelques heures.
Suffisamment pour permettre une super performance.
Après, oui, forcément, il y a eu quelques décisions en interne qui n’étaient pas faciles, et pas toujours en ma faveur.
J’ai pu être un peu désappointé à certains moments.
Mais comme me dit mon agent :
« Il faut se concentrer sur l’avenir. Relever la tête et regarder loin. »
Tu vois, dans quelques jours, je vais faire l’aller-retour au Japon pour un dîner avec l’ensemble des pilotes d’usine.
Un dîner “de famille”.
C’est ça qu’il faut retenir.
Moi
Il n’empêche que quand on s’est écrit en fin de saison, tu m’as dit que c’était bien que la saison se termine.
Tu étais fatigué.
Johann
Bien sûr.
C’était une saison dense et compliquée.
Mais je l’ai voulu aussi.
Suzuka, par exemple… c’était un énorme challenge pour moi de faire la course à juste deux pilotes.
Ça a été fatigant.
Mais j’ai pu gérer jusqu’au bout.
Souvenir génial. J'ai envie de rempiler pour 2026, même si le calendrier va être encore plus serré.
Moi
Alors qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’année prochaine… en dehors du sportif ?
Parce que si je te demande le sportif, tu vas me répondre un truc que je ne vais pas comprendre.
Je ne suis pas assez expert.
Johann
rire
Oui…
Je dirais : réussir à allier le pro et le perso.
Ça va être un peu mon objectif cette année.
Quand je vois des mecs comme Jack Miller aujourd’hui avec sa famille, ça me touche.
C’est comme quand je vois les enfants de mes potes avec qui j’étais au collège.
Je trouve ça génial, cette capacité d’être avec sa famille tout en restant performant.
J’avoue que j’aimerais pouvoir continuer à joindre un peu plus les deux mondes : le perso et la compétition.
Moi
OK, donc ce n’est pas tout de suite qu’on va te voir en mode retraité, à barouder avec une bécane comme tu aimes le faire.
Johann
rire
Non, pas tout de suite.
Même si oui, j’aime bien ce côté road trip.
Tu vois, il y a quelques jours, j’étais à la convention Dafy.
C’était chouette, tu rencontres plein de gens.
Mais c’est vrai que tu fais aussi beaucoup de frustrés, parce que tu ne peux pas rester toute la journée, et certains ont fait six heures de route pour une photo et deux minutes de discussion.
Du coup j’en parlais avec eux :
ce serait sympa parfois de faire un coup en moto ou en vélo entre plusieurs Dafy, et d’aller à la rencontre de tout le monde comme ça.
Moto… ou vélo d’ailleurs !
Notre sortie vélo se poursuit jusqu’au Cap-d’Ail.
Le soleil a fini de se lever, projette ses rayons sur la Méditerranée.
Le spectacle bleu azur est magnifique.
Plus haut vers le nord, les Alpes enneigées découpent le relief sous la lumière naissante.
Moi
Toi qui bouges partout dans le monde… on est quand même d’accord que c’est l’une des plus belles régions du monde ?
Johann
Oui clairement.
Quand tu penses que j’ai commencé ici…
Sur le circuit de Cagnes-sur-Mer.
Un circuit de karting qui n’existe plus.
J'étais venu faire du kart avec mon père et j’ai dit que je préférais essayer la moto ce matin-là.
Le mec du karting est venu voir mon père :
“Dis donc, ça se voit que votre fiston en fait souvent !”
Mon père : “C’est sa première fois.”
Le gars : “Il faut tenter un truc.”
C’est parti de là.
Moi
Ça ne te donne pas envie de revenir un jour là où tout a commencé ?
Johann
Si, franchement parfois j’y pense.
Le vieil Antibes, pas loin du musée Picasso… c’est vraiment cool.
Avoir un appartement par ici, ça pourrait être sympa.
J’ai le truc dans un coin de la tête.
Moi
Un petit appartement dans le vieil Antibes ?
Pour un pilote MotoGP, je m’attendais plutôt à une maison d’architecte vue mer !
Johann
rire
Non, pas forcément.
J’aime bien ce coin sur les remparts.
Ça me suffit.
Moi
Dans ta carrière, à quel moment les choses ont vraiment changé financièrement ?
Lors de ton deuxième titre de champion du monde en Moto2 ?
Johann
Oui et non.
C’est clair que cette année-là, ça a changé, parce qu’avant ça, c’était nous qui devions payer le team pour avoir un guidon.
À partir de mon deuxième titre, j’ai commencé à être payé pour piloter.
Puis j’ai reçu une prime de Suzuki à l’époque, juste pour mettre une option sur moi pour mon futur passage en MotoGP.
Là, oui, c’était assez fou.
Mais sinon, pendant longtemps, l’argent allait dans une structure et je ne me versais qu’un salaire.
Lors de mon premier titre, j’habitais encore dans un meublé à 500 € par mois près d’Avignon.
Notre tour de vélo nous ramène à l’entrée de Nice.
On traverse le Vieux-Port, puis on remonte vers la pâtisserie de Julien Dugourd.
Moi
T’as deviné où on allait ?
Johann
Je pense.
J’ai ma petite idée.
J’étais dans le coin il y a quelques jours.
Je suis allé voir un spectacle d’Alex Vizorek avec mon frère, et on est allés boire un petit verre après dans un club de jazz pas loin.
On s’est régalés.
Moi
Ah oui, donc tu t’autorises même quelques verres ?
Johann
Bien sûr.
Il faut profiter.
J’aime bien le vin rouge.
En ce moment j’ai quelques bonnes bouteilles.
Je me fais un petit verre le soir.
De toute façon, après on élimine avec le sport.
Il faut savoir profiter aussi.
Moi
Bon alors là, on va profiter également.
On va chez Julien Dugourd.
Johann
J’en étais sûr.
Moi
Alors comme ça vous vous connaissez ? Et tu échanges avec d’autres pilotes MotoGP ?
Julien
Oui absolument.
J’étais encore avec Casey Stoner il y a quelques jours par message.
Moi
Tu te fous de ma gueule?
Julien
Mais non.
Instagram facilite les échanges.
Je ne sais pas pourquoi… Ils ont dû voir les pâtisseries que j’avais faites pour Ducati ou Maserati.
Et puis on a commencé à rentrer en contact avec Francesco Bagnaia, par exemple.
Regarde, là : j’ai aussi une dédicace de Valentino Rossi.
Johann
C’est fou… tu connais presque plus les pilotes que moi.
Stoner, je n’ai pas trop eu l’occasion d’échanger avec lui.
Mais ça reste pour moi la référence absolue en matière de pilotage.
C’était fou.
Moi
C’est vrai que tu m’avais déjà dit que, finalement, à part lors de la parade des pilotes, vous ne vous croisez pas tant que ça.
Johann
Non, en effet.
On est chacun dans notre bulle.
On a tous des trajectoires de vie tellement différentes qu’on n’a pas les mêmes centres d’intérêt, ni les mêmes cercles d’amis.
On se croise, il y a du respect, mais pas plus d’atomes crochus que ça.
Il me regarde.
Tu ne finis pas ton croissant aux amandes ?
Julien
Moi j’ai un super souvenir avec Johann.
J’étais sur le circuit de Valence en journée piste.
Johann était à Sepang pendant les essais.
Il m’a écrit un message pour me donner un conseil sur comment rentrer dans un gaucher du circuit.
Le conseil était hyper efficace.
Et j’étais halluciné qu’il prenne du temps pour m’écrire ça, depuis l’autre bout du monde.
Johann, la bouche pleine
Mais non, ça m’a fait plaisir.
Partager la passion avec des passionnés, j’adore.
Un bon conseil, ça sert toujours.

En les regardant tous les deux discuter, je me dis que j’ai de la chance de vivre ces moments un peu suspendus.
Parce qu’au fond, une sortie vélo entre copains et un café-croissant dans l’arrière-boutique, c’est aussi le genre de moments simples qui plaisent à Johann.
Je sais qu’en 2026, je serai de nouveau derrière ma télévision à regarder un animal sur la piste.
Un mec qui ne lâche rien, qui croit toujours possible de jouer sa partition en visant les avant-postes.
Plus tard dans la journée, Johann reviendra faire une surprise à Julien en lui offrant un maillot du team avec une dédicace.
Et moi…
j’aurai fait une sortie vélo à 132 BPM,
recueilli les confidences d’un sacré bonhomme sur 132 jours de MotoGP,
et dégusté un tiers de croissant aux amandes, soit environ 132 kcal.
Le prochain rendez-vous ?
Le 27 février en Thaïlande, pour le premier Grand Prix.
À moins qu’on s’organise un autre truc d’ici là.
À suivre…
Texte et interview : Guillaume de brooap
Remerciements Johann et Julien Dugourd
Photos de l'interview : @clemoto
Photo de fin : @max_brgt
Est-il encore nécessaire de présenter Johann Zarco. Le seul pilote de l’histoire à avoir enchaîné deux titres mondiaux en Moto2, un pilote MotoGP solidement installé parmi les avant-postes depuis des années, le meilleur pilote Honda de 2025 et l’auteur d’une victoire historique au Grand Prix de France. Mais Johann, pour moi, c’est aussi un autre visage. Celui que j’ai découvert en 2013, bien avant les projecteurs, quand Philippe de Dubois Moto (un sponsor de Johann à ses débuts) me le présente. Puis Laurent Fellon, son manager de l’époque, me parle de ZF Grand Prix, leur structure pour former les jeunes. À ce moment-là, je suis séduit par leur projet et avec mon petit site 400 000 Motards je vais financer deux mini-motos pour des gamins, avec un coup de pouce de David , ancien MIB de Moto et Motards passé chez Furygan. Et depuis, avec Johann, on était resté en contact en se croisant souvent dans le tumulte des Fan Zones, jusqu’à cette vidéo en avant-saison que j’ai tournée avec Ersan et qui a eu son petit succès. Alors quand Johann me propose une sortie vélo un samedi matin le long de la baie des anges et au-delà, j’accepte. Pas pour faire une interview au sens pro de terme, mais plus une discussion à la brooap. C’est à dire 20 % WTF, 30 % impro, 50 % “mais putain pourquoi je pose cette question à la con » (en Français dans le texte). Et voici ce que ça donne.

132 BPM, 132 jours de MotoGP, 132 kilocalories : trois nombres pour raconter un pilote qui n’a jamais cessé d’être humain derrière la machine.
Johann Zarco, Le Mans 2025 avec ce post de notre instagram qui a fait le buzz : “Le Zour de Gloire”

Moi
Improbable de se retrouver ici, Johann.
La dernière fois qu’on s’est croisés, c’était sur la Fan Zone du Mans, la veille de ton triomphe.
On ne va pas revenir dessus, on en a déjà fait le tour.
Mais sache que le titre que j’avais trouvé ce fameux dimanche, “Le Zour de gloire”, a été l’un des posts les plus vus de l’année.
Johann
(rire)
Ça me fait plaisir.
Et ton reportage en Espagne… je l’ai revu il y a peu.
C’était vraiment un bon moment.
Les images de la fin, avec le tour de piste embarqué, j’aime vraiment bien.
C’était un reportage touchant.
Moi
Bon, en tout cas, on se retrouve pour une nouvelle interview… avec une forme encore bien originale.
Je vais essayer de ne pas démériter, parce que ça fait quelques semaines que je n’ai pas retouché un vélo.
Donc faut pas m’en vouloir si je traîne un peu.
Johann
Non mais t’inquiète.
Au contraire.
Il ne faut pas que je monte trop en BPM.
Dans le travail que je fais avec Olivier, mon entraîneur, qui est hyper rigoureux, on s’est rendu compte que ce qui m’importe, c’est soit de faire du fond et d’être entre 120 et 132 BPM, soit d’aller beaucoup plus haut.
Mais là, une sortie tranquille, c’est parfait.
Et puis, c’est même bien de trouver un mec comme toi qui accepte de se traîner.
Parce que parfois, je roule avec des mecs qui vont trop vite, et pour travailler le fond c’est nul.
Donc le fait que tu te prennes un peu la bite… c’est parfait. rire
Moi
C’est marrant parce que ce n’est pas la première fois que tu me parles de ta préparation physique avec autant de précision.
C’est une vraie caractéristique chez toi. Le soin que tu apportes à ton corps.
Je dirais même une forme d’écoute.
Je me trompe ?
Johann
Non, pas du tout.
C’est vrai.
C’est peut-être quelque chose que notre père nous a transmis, lui qui était chiropracteur.
Il continue d’ailleurs à donner pas mal de conseils quand on le sollicite.
Et cette année encore, à part Phillip Island, j’ai réussi à éviter tous les microbes.
C’est en étant justement à l’écoute de mon corps.
Parfois tu es fatigué, alors tu sautes volontairement un entraînement parce que tu sais que ça te mettrait dans une fatigue dommageable.
C’est hyper important.
Moi
Et du coup, t’arrives à faire du vélo partout et en toute saison ?
C’est quand même un sport de prédilection pour vous.
Johann
Oui, c’est vrai. J’aime bien rouler. Quand je suis en déplacement loin, je loue sur place un vélo.
Mais pas que.
J’aime beaucoup le ski de rando et des trucs plus ludiques comme le padel.
J’ai juste un problème récurrent d’inflammation, ce qui rend la course à pied un peu plus compliquée.
Mais globalement, j’aime bien mettre du plaisir dans la préparation physique.
Comme pédaler avec toi ce matin face à ces beaux paysages.
Il me montre la mer.
On ne s’en rend pas compte, mais ça passe le temps et on s’entraîne bien quand même.
Moi
Tu n’as jamais de séances difficiles, où tu te fracasses en salle ?
Johann
Non pas tellement.
Oui, j’ai un petit espace à la maison, ça m’évite d’aller dans des grosses salles.
Je reste tranquille.
Mais c’est plus pour du travail ciblé.
Encore une fois, je préfère quand c’est ludique.
Et puis après, pendant l’année, on est tellement sollicités sur la moto que c’est vraiment entre maintenant et janvier que je fais le gros du travail de fond.
Moi
C’est vrai que fin janvier tu seras déjà pas loin de la reprise.
C’est fou, parce que pour nous les fans, la coupure paraît longue…
Mais pour vous, ça arrive vite. Dès fin février il faut être opérationnel.
Comment tu vois cette saison qui arrive ?
Ça commence à ressembler un peu au début de la fin ?
Johann
Non, pas du tout.
Franchement, je ne me projette pas encore du tout dans cette notion de fin de carrière.
Je suis super content d’avoir un contrat jusqu’à fin 2027, et je suis projeté sur ces deux prochaines saisons.
En réalité, on bosse pour ça.
C’est parfois ce qui est frustrant à comprendre : on travaille aussi pour un projet qui joue encore dans deux ans.
Et dans les moments difficiles cette année, c’est ce que je disais aux ingénieurs :
« Fin 2027, l’objectif, c’est qu’on ait tous grandi ensemble. »
Donc je suis focus sur ce projet-là.
Moi
Tu m’offres une transition parfaite pour revenir sur cette année.
On ne va pas rentrer dans les détails — il y a un seul Michel Turco sur terre et je ne suis clairement pas expert —
mais quand même… ta saison, ça n’a pas été un long fleuve tranquille.
Il y a eu des hauts et des bas.
Voire même des très très hauts, et des très bas.
Johann
Oui bien sûr, c’est vrai.
Cela dit, j’y repensais il y a quelques jours : quand je regarde l’ensemble de mes saisons, j’ai souvent eu des moments difficiles en milieu d’année.
Ce n’est pas forcément propre à cette saison-là.
Moi
Mais quand même… sans trahir de secrets…
Qu’est-ce qui s’est passé après Le Mans ?
Johann
Ce n’est pas évident à comprendre quand on regarde ça de l’autre côté de l’écran, je le sais parfaitement.
Mais une saison de MotoGP, c’est tellement complexe.
Et ça met tellement de gens en jeu.
En ce qui nous concerne, Honda était parti en début d’année avec un projet.
Les premiers essais n’étaient pas satisfaisants. Et pas que pour moi, pour tous les pilotes Honda.
On a dû repartir en arrière.
Mais Honda avait déjà investi massivement dans ce projet.
Que ce soit pour les pièces, ou pour les corrections à faire, tout ça prend énormément de temps… et de budget.
Et pendant ce temps, les courses s’enchaînent.
Ça a été vraiment difficile.
Et puis il y a eu ce moment où je n’ai eu qu’une seule moto livrée par Honda pour rouler.
Le vendredi j’avais une moto, le samedi j’en avais une autre.
Ça n’a pas été facile.
Mais tu sais… ce n’est facile pour personne.
Quand un pilote dit « J’ai l’impression de ne pas avoir de grip », ça peut tout dire et rien dire.
Ça peut venir du pilotage, de la moto, d’un degré en plus ou en moins, de l’inertie, de ta position…
Il y a un énorme travail ensuite avec les ingénieurs.
Et ça, ce n’est pas évident.
Moi
On a quand même eu l’impression, à un moment donné, que d’autres pilotes Honda disposaient de meilleurs réglages.
Johann
Pas forcément.
C’est aussi que parfois tu t’entêtes sur des réglages, ou une forme de pilotage.
Ça ne marche pas pendant des semaines…
et d’un coup, ça fonctionne parce que les conditions se réunissent pendant quelques heures.
Suffisamment pour permettre une super performance.
Après, oui, forcément, il y a eu quelques décisions en interne qui n’étaient pas faciles, et pas toujours en ma faveur.
J’ai pu être un peu désappointé à certains moments.
Mais comme me dit mon agent :
« Il faut se concentrer sur l’avenir. Relever la tête et regarder loin. »
Tu vois, dans quelques jours, je vais faire l’aller-retour au Japon pour un dîner avec l’ensemble des pilotes d’usine.
Un dîner “de famille”.
C’est ça qu’il faut retenir.
Moi
Il n’empêche que quand on s’est écrit en fin de saison, tu m’as dit que c’était bien que la saison se termine.
Tu étais fatigué.
Johann
Bien sûr.
C’était une saison dense et compliquée.
Mais je l’ai voulu aussi.
Suzuka, par exemple… c’était un énorme challenge pour moi de faire la course à juste deux pilotes.
Ça a été fatigant.
Mais j’ai pu gérer jusqu’au bout.
Souvenir génial. J'ai envie de rempiler pour 2026, même si le calendrier va être encore plus serré.
Moi
Alors qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’année prochaine… en dehors du sportif ?
Parce que si je te demande le sportif, tu vas me répondre un truc que je ne vais pas comprendre.
Je ne suis pas assez expert.
Johann
rire
Oui…
Je dirais : réussir à allier le pro et le perso.
Ça va être un peu mon objectif cette année.
Quand je vois des mecs comme Jack Miller aujourd’hui avec sa famille, ça me touche.
C’est comme quand je vois les enfants de mes potes avec qui j’étais au collège.
Je trouve ça génial, cette capacité d’être avec sa famille tout en restant performant.
J’avoue que j’aimerais pouvoir continuer à joindre un peu plus les deux mondes : le perso et la compétition.
Moi
OK, donc ce n’est pas tout de suite qu’on va te voir en mode retraité, à barouder avec une bécane comme tu aimes le faire.
Johann
rire
Non, pas tout de suite.
Même si oui, j’aime bien ce côté road trip.
Tu vois, il y a quelques jours, j’étais à la convention Dafy.
C’était chouette, tu rencontres plein de gens.
Mais c’est vrai que tu fais aussi beaucoup de frustrés, parce que tu ne peux pas rester toute la journée, et certains ont fait six heures de route pour une photo et deux minutes de discussion.
Du coup j’en parlais avec eux :
ce serait sympa parfois de faire un coup en moto ou en vélo entre plusieurs Dafy, et d’aller à la rencontre de tout le monde comme ça.
Moto… ou vélo d’ailleurs !
Notre sortie vélo se poursuit jusqu’au Cap-d’Ail.
Le soleil a fini de se lever, projette ses rayons sur la Méditerranée.
Le spectacle bleu azur est magnifique.
Plus haut vers le nord, les Alpes enneigées découpent le relief sous la lumière naissante.
Moi
Toi qui bouges partout dans le monde… on est quand même d’accord que c’est l’une des plus belles régions du monde ?
Johann
Oui clairement.
Quand tu penses que j’ai commencé ici…
Sur le circuit de Cagnes-sur-Mer.
Un circuit de karting qui n’existe plus.
J'étais venu faire du kart avec mon père et j’ai dit que je préférais essayer la moto ce matin-là.
Le mec du karting est venu voir mon père :
“Dis donc, ça se voit que votre fiston en fait souvent !”
Mon père : “C’est sa première fois.”
Le gars : “Il faut tenter un truc.”
C’est parti de là.
Moi
Ça ne te donne pas envie de revenir un jour là où tout a commencé ?
Johann
Si, franchement parfois j’y pense.
Le vieil Antibes, pas loin du musée Picasso… c’est vraiment cool.
Avoir un appartement par ici, ça pourrait être sympa.
J’ai le truc dans un coin de la tête.
Moi
Un petit appartement dans le vieil Antibes ?
Pour un pilote MotoGP, je m’attendais plutôt à une maison d’architecte vue mer !
Johann
rire
Non, pas forcément.
J’aime bien ce coin sur les remparts.
Ça me suffit.
Moi
Dans ta carrière, à quel moment les choses ont vraiment changé financièrement ?
Lors de ton deuxième titre de champion du monde en Moto2 ?
Johann
Oui et non.
C’est clair que cette année-là, ça a changé, parce qu’avant ça, c’était nous qui devions payer le team pour avoir un guidon.
À partir de mon deuxième titre, j’ai commencé à être payé pour piloter.
Puis j’ai reçu une prime de Suzuki à l’époque, juste pour mettre une option sur moi pour mon futur passage en MotoGP.
Là, oui, c’était assez fou.
Mais sinon, pendant longtemps, l’argent allait dans une structure et je ne me versais qu’un salaire.
Lors de mon premier titre, j’habitais encore dans un meublé à 500 € par mois près d’Avignon.
Notre tour de vélo nous ramène à l’entrée de Nice.
On traverse le Vieux-Port, puis on remonte vers la pâtisserie de Julien Dugourd.
Moi
T’as deviné où on allait ?
Johann
Je pense.
J’ai ma petite idée.
J’étais dans le coin il y a quelques jours.
Je suis allé voir un spectacle d’Alex Vizorek avec mon frère, et on est allés boire un petit verre après dans un club de jazz pas loin.
On s’est régalés.
Moi
Ah oui, donc tu t’autorises même quelques verres ?
Johann
Bien sûr.
Il faut profiter.
J’aime bien le vin rouge.
En ce moment j’ai quelques bonnes bouteilles.
Je me fais un petit verre le soir.
De toute façon, après on élimine avec le sport.
Il faut savoir profiter aussi.
Moi
Bon alors là, on va profiter également.
On va chez Julien Dugourd.
Johann
J’en étais sûr.
Moi
Alors comme ça vous vous connaissez ? Et tu échanges avec d’autres pilotes MotoGP ?
Julien
Oui absolument.
J’étais encore avec Casey Stoner il y a quelques jours par message.
Moi
Tu te fous de ma gueule?
Julien
Mais non.
Instagram facilite les échanges.
Je ne sais pas pourquoi… Ils ont dû voir les pâtisseries que j’avais faites pour Ducati ou Maserati.
Et puis on a commencé à rentrer en contact avec Francesco Bagnaia, par exemple.
Regarde, là : j’ai aussi une dédicace de Valentino Rossi.
Johann
C’est fou… tu connais presque plus les pilotes que moi.
Stoner, je n’ai pas trop eu l’occasion d’échanger avec lui.
Mais ça reste pour moi la référence absolue en matière de pilotage.
C’était fou.
Moi
C’est vrai que tu m’avais déjà dit que, finalement, à part lors de la parade des pilotes, vous ne vous croisez pas tant que ça.
Johann
Non, en effet.
On est chacun dans notre bulle.
On a tous des trajectoires de vie tellement différentes qu’on n’a pas les mêmes centres d’intérêt, ni les mêmes cercles d’amis.
On se croise, il y a du respect, mais pas plus d’atomes crochus que ça.
Il me regarde.
Tu ne finis pas ton croissant aux amandes ?
En les regardant tous les deux discuter, je me dis que j’ai de la chance de vivre ces moments un peu suspendus.
Parce qu’au fond, une sortie vélo entre copains et un café-croissant dans l’arrière-boutique, c’est aussi le genre de moments simples qui plaisent à Johann.
Je sais qu’en 2026, je serai de nouveau derrière ma télévision à regarder un animal sur la piste.
Un mec qui ne lâche rien, qui croit toujours possible de jouer sa partition en visant les avant-postes.
Plus tard dans la journée, Johann reviendra faire une surprise à Julien en lui offrant un maillot du team avec une dédicace.
Et moi…
j’aurai fait une sortie vélo à 132 BPM,
recueilli les confidences d’un sacré bonhomme sur 132 jours de MotoGP,
et dégusté un tiers de croissant aux amandes, soit environ 132 kcal.
Le prochain rendez-vous ?
Le 27 février en Thaïlande, pour le premier Grand Prix.
À moins qu’on s’organise un autre truc d’ici là.
À suivre…
Texte et interview : Guillaume de brooap
Remerciements Johann et Julien Dugourd
Photos de l'interview : @clemoto
Photo de fin : @max_brgt


