SAGA GROUPE B. Épisode 1 : Balestre, papa du Groupe B et dealer de liberté

Auto
Young-timers
Une foule compacte bordant une route en gravier observe le passage d’une voiture du Groupe B pendant le Rallye du Portugal 1983

Quand le sport auto s’ennuyait ferme

Fin des années 70, le rallye, c’est un buffet froid. Les voitures de série maquillées en machines de guerre, les ingénieurs qui bricolent sur des bases d’Opel ou de Fiat, les constructeurs qui roupillent. La Formule 1 attire les caméras, le rallye attire la poussière. La FIA pond des règlements qui brident tout et les marques se barrent une à une. Bref : tout le monde a oublié que la course, à la base, c’est fait pour flirter avec le danger.

Portrait de Jean-Marie Balestre en costume sombre et lunettes teintées, symbole du pouvoir de la FISA au milieu des années 80.

« Les constructeurs doivent rêver, les ingénieurs doivent oser, et la FIA doit régner. » — Balestre, Auto Hebdo 1983

Vue aérienne d’une Peugeot 205 T16 EVO2 du Groupe B filant à pleine vitesse sur une piste de terre en 1985.

Quand Jean-marie Balestre déboule. 

Président de la FISA, la branche compétition de la FIA, Balestre a tout du grand chef de guerre : costume gris, ego XXL, ton de colonel.
Ancien résistant, journaliste, politicien à moitié mégalo.
Le genre de type qui dit « moi je vais remettre un peu de bordel dans vos vies » et qui le fait vraiment.

Il comprend un truc simple : le sport auto n’a plus besoin d’ordre, il a besoin de sueur, de bruit et de drame.
Alors il décide d’ouvrir les vannes.

Les années où les ingé semblaient tous sous LSD. 

Balestre crée une nouvelle catégorie : le Groupe B.
Sur le papier : un moyen de relancer le rallye avec un peu d’air frais.
Dans les faits : le plus grand appel d’offres à la folie mécanique du XXᵉ siècle.

200 exemplaires suffisent pour homologuer une voiture.
Pas de limite de puissance.
Pas de restriction sur les matériaux.
Les marques peuvent faire ce qu’elles veulent.
Une seule règle : que ça avance.

Les ingénieurs lèvent la tête du bureau, se regardent et se disent : ok, on va s’amuser.

83-84 ou le craquage complet

1983-84, c’est l’explosion.Audi débarque avec la quattro, Lancia sort la 037, Peugeot monte de toutes pièces une écurie à Vélizy.Les spectateurs reviennent par milliers, collés aux routes.Les voitures crachent des flammes, les moteurs font trembler les collines.Le rallye devient un spectacle à ciel ouvert, sans filet.Balestre jubile.Il a recréé un cirque romain où les fauves s’appellent turbo et quatre roues motrices.

La liberté sans limite, jusqu’à la rupture

Les constructeurs veulent toujours plus.
Plus de chevaux, plus de boost, plus d’appui.
Les pilotes se transforment en kamikazes, les ingénieurs en chimistes fous.

Audi raccourcit ses châssis pour les rendre plus nerveux, Peugeot invente des monstres à moteur central, Lancia combine compresseur et turbo sur la Delta S4.
Les 300 ch deviennent 500, puis presque 600.
Les spectateurs se collent aux voitures, les journalistes se battent pour leurs photos, la FIA ferme les yeux.

Le rallye est redevenu dangereux, sexy, addictif.
Et Balestre plane.

1986, la gueule de bois

2 mai 1986, Tour de Corse.
La Lancia S4 de Henri Toivonen part dans le ravin, explose, brûle.
Toivonen et Cresto n’en sortent pas.
Fin de partie.

Balestre signe l’arrêt de mort du Groupe B dès le lendemain.
Les monstres sont bannis.
Le dealer de liberté vient de fermer la boutique.

Mais impossible d’effacer quatre ans de feu.
Les gens ont vu ce qu’était une voiture sans laisse.
On ne revient pas en arrière après ça.

Balestre, le bouc émissaire.

Balestre devient le bouc émissaire parfait.
Les médias le pointent du doigt.
Dix ans plus tard, la mort de Senna à Imola en 1994 relance les accusations : trop de politique, trop de télé, pas assez d’humanité.
Le monde découvre son visage dans les documentaires, les films, les archives : l’homme qui sourit pendant que tout s’effondre.

« Senna est mort dans un monde que Balestre avait façonné : puissant, télégénique, mais vulnérable. »
The Guardian, 1999

Mais la vérité, c’est qu’il n’a pas été plus coupable que les autres.
Les ingénieurs voulaient tester les limites, les pilotes voulaient les dépasser, et Balestre a juste allumé la mèche.

Balestre n'est pas plus artisan d'une époque que les autres protagonistes ingénieurs,
il n’aura été que le visage médiatique de la crise d’adolescence de cette industrie auto qui avait grandi trop vite.

Mais le retour en grâce de cette période rappelle que, même si on a parfois fait d’énormes conneries étant ado,
on regrette souvent tous une part de nous-même qui croyait que tout était possible… sauf la mort.

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https://www.brooap.fr/articles/saga-groupe-b-episode-1-balestre-artisan-creation-dealer-de-liberte

Quand le sport auto s’ennuyait ferme

Fin des années 70, le rallye, c’est un buffet froid. Les voitures de série maquillées en machines de guerre, les ingénieurs qui bricolent sur des bases d’Opel ou de Fiat, les constructeurs qui roupillent. La Formule 1 attire les caméras, le rallye attire la poussière. La FIA pond des règlements qui brident tout et les marques se barrent une à une. Bref : tout le monde a oublié que la course, à la base, c’est fait pour flirter avec le danger.

Portrait de Jean-Marie Balestre en costume sombre et lunettes teintées, symbole du pouvoir de la FISA au milieu des années 80.

« Les constructeurs doivent rêver, les ingénieurs doivent oser, et la FIA doit régner. » — Balestre, Auto Hebdo 1983

Quand Jean-marie Balestre déboule. 

Président de la FISA, la branche compétition de la FIA, Balestre a tout du grand chef de guerre : costume gris, ego XXL, ton de colonel.
Ancien résistant, journaliste, politicien à moitié mégalo.
Le genre de type qui dit « moi je vais remettre un peu de bordel dans vos vies » et qui le fait vraiment.

Il comprend un truc simple : le sport auto n’a plus besoin d’ordre, il a besoin de sueur, de bruit et de drame.
Alors il décide d’ouvrir les vannes.

Les années où les ingé semblaient tous sous LSD. 

Balestre crée une nouvelle catégorie : le Groupe B.
Sur le papier : un moyen de relancer le rallye avec un peu d’air frais.
Dans les faits : le plus grand appel d’offres à la folie mécanique du XXᵉ siècle.

200 exemplaires suffisent pour homologuer une voiture.
Pas de limite de puissance.
Pas de restriction sur les matériaux.
Les marques peuvent faire ce qu’elles veulent.
Une seule règle : que ça avance.

Les ingénieurs lèvent la tête du bureau, se regardent et se disent : ok, on va s’amuser.

Vue aérienne d’une Peugeot 205 T16 EVO2 du Groupe B filant à pleine vitesse sur une piste de terre en 1985.

83-84 ou le craquage complet

1983-84, c’est l’explosion.Audi débarque avec la quattro, Lancia sort la 037, Peugeot monte de toutes pièces une écurie à Vélizy.Les spectateurs reviennent par milliers, collés aux routes.Les voitures crachent des flammes, les moteurs font trembler les collines.Le rallye devient un spectacle à ciel ouvert, sans filet.Balestre jubile.Il a recréé un cirque romain où les fauves s’appellent turbo et quatre roues motrices.

Balestre, le bouc émissaire.

Balestre devient le bouc émissaire parfait.
Les médias le pointent du doigt.
Dix ans plus tard, la mort de Senna à Imola en 1994 relance les accusations : trop de politique, trop de télé, pas assez d’humanité.
Le monde découvre son visage dans les documentaires, les films, les archives : l’homme qui sourit pendant que tout s’effondre.

« Senna est mort dans un monde que Balestre avait façonné : puissant, télégénique, mais vulnérable. »
The Guardian, 1999

Mais la vérité, c’est qu’il n’a pas été plus coupable que les autres.
Les ingénieurs voulaient tester les limites, les pilotes voulaient les dépasser, et Balestre a juste allumé la mèche.

Balestre n'est pas plus artisan d'une époque que les autres protagonistes ingénieurs,
il n’aura été que le visage médiatique de la crise d’adolescence de cette industrie auto qui avait grandi trop vite.

Mais le retour en grâce de cette période rappelle que, même si on a parfois fait d’énormes conneries étant ado,
on regrette souvent tous une part de nous-même qui croyait que tout était possible… sauf la mort.

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