SAGA GROUPE B : Épisode 2, le brouillon italien devenu culte

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Ferrari 288 GTO Evoluzione garée sur un ponton sur la mer vue de derrière

Ferrari 288 GTO Evoluzione : la machine née pour une guerre qui n’a jamais eu lieu

Le Groupe B vient de naître. Un règlement si permissif qu’il tient plus du manifeste punk que du cahier des charges. 200 exemplaires suffisent pour courir, pas de limite de puissance, aérodynamique libre, matériaux exotiques autorisés. L’idée : relancer le sport auto mondial. Le résultat : une course à la folie.

Ferrari 288 GTO Evoluzione sur les quais, capot moteur ouvert, prototype du Groupe B de 1986

Audi invente le 4x4 turbo, Lancia peaufine ses propulsions de dingues, Peugeot crée une usine dans une usine à Vélizy. Et au milieu de ce barnum, un vieux lion regarde sans bouger : Enzo Ferrari.

errari 288 GTO Evoluzione en test sur piste à Monza, 1986.

En février 1984, Ferrari présente la 288 GTO.
Sous des airs de 308 GTB bodybuildée, c’est en fait un prototype homologué pour le Groupe B.
Moteur V8 2.855 cm³, biturbo IHI, 400 ch, 305 km/h, et surtout un bloc monté longitudinalement — une première pour une “Ferrari de route”.

“L’Evo devait être notre réponse à Audi et Peugeot. Une GT de route capable de courir et de gagner.” Nicola Materazzi, ingénieur en chef Ferrari, interview Classic Driver 2014

En clair, Ferrari prépare une arme à double usage : civil dehors, militaire dedans.
272 exemplaires sont produits entre 1984 et 1985.
Juste assez pour l’homologation.
Mais pas assez pour la course.

1986 : le prototype de l’enfer

En 1986, cinq châssis “Evoluzione” sont assemblés.
Carrosserie carbone-kevlar, énormes extracteurs, prises NACA sur le capot, aileron fixe à la place du moteur.
L’auto est plus courte, plus large, et bien plus dangereuse.
Les chiffres claquent : 940 kg, 650 chevaux, un 0 à 100 en 2,8 secondes, vitesse de pointe estimée à 370 km/h.

Le châssis 50253, premier construit, roule sur la piste de Fiorano au printemps 1986.
Ferrari y installe un système d’injection Weber-Marelli F1 et une cartographie qui fait pâlir les bancs d’essai.
Les pilotes d’essai racontent une voiture “ingérable”, avec un turbo-lag à te catapulter dans la stratosphère si tu rates ton point de corde.

“L’Evoluzione, c’était une bête.
À 5.000 tours, tu pensais que c’était fini. Et à 5.001, l’enfer commençait.”
Dario Benuzzi, pilote essayeur Ferrari

Mais pendant ce temps-là, dehors, le monde brûle

Le 2 mai 1986, Henri Toivonen et son copilote Sergio Cresto se tuent au Tour de Corse dans une Lancia Delta S4.
La voiture explose, le Groupe B s’écroule.
Quelques jours plus tard, Jean-Marie Balestre (le fameux “dealer de liberté” du premier épisode) annonce l’interdiction immédiate de la catégorie pour 1987.
Ferrari, elle, n’a même pas encore fini ses essais.
L’Evoluzione naît dans le silence, alors que la FIA enterre la folie.

Le mythe : cinq voitures, cinq destins

Les châssis sont numérotés 50250 à 50255.
Cinq exemplaires complets, plus un proto à moitié monté.
Certains finissent à Maranello, d’autres chez Michelotto, le préparateur officiel.
Un exemplaire sera vendu à un collectionneur japonais, un autre utilisé comme mule aérodynamique pour la F40.
Le prototype 50253 reste la voiture de développement officielle.
Les quatre autres dorment aujourd’hui dans des collections privées, estimées à plus de 4 millions d’euros chacune.

Ce qu’elle dit du Groupe B

La 288 GTO Evoluzione est le condensé de toute la schizophrénie du Groupe B.
Un règlement qui voulait marier la route et la course, la série et le proto.
Une liberté totale offerte à des ingénieurs qui n’avaient plus de frein.
Une génération persuadée que la technologie sauverait tout.

Le Groupe B, c’est cette période où les ingénieurs se prenaient pour des poètes et où les poètes dessinaient des bombes.
Ferrari arrive pile à ce moment : trop tard pour courir, trop tôt pour comprendre.
Résultat, une voiture née pour le chaos mais condamnée à la contemplation.

“Elle symbolise ce qu’était le Groupe B : la puissance sans contrainte et la mort comme spectatrice.” Autocar, rétrospective 2001

Fun facts à raconter à la machine à café du taff

– La 288 GTO Evo a été homologuée en Groupe B en mars 1986, mais aucune course n’existait plus dans la catégorie au moment de sa présentation.
– Elle développait plus de puissance au litre (227 ch/litre) qu’une F1 turbo contemporaine.
– L’aéro avait été dessinée en partie dans la soufflerie Pininfarina de Cambiano, la même que celle utilisée pour la Testarossa.
– Un des cinq châssis a été vendu en 2019 par RM Sotheby’s à plus de 3,9 millions d’euros.
– Le son du V8 biturbo à Fiorano a été enregistré pour le jeu vidéo Gran Turismo 4  mais la voiture n’a jamais roulé en vrai sur la piste

Pourquoi “Le brouillon"

Parce que personne ne l’a jamais vue courir.Parce qu’elle n’a pas de palmarès, pas de vainqueur, pas de classement.Et pourtant, elle pèse plus lourd dans l’histoire que la moitié des autos qui ont pris le départ.C’est une voiture de transition, celle qui sépare la course à la mort de la course au mythe.Le témoin silencieux d’une époque où la vitesse croyait encore être une vertu.

1987 : la réincarnation

Ferrari ne jette rien.
Les leçons de l’Evoluzione deviennent la F40, présentée le 21 juillet 1987, pour les 40 ans de la marque.
Même châssis allongé, même bloc F114CB 2,9 L biturbo, mais civilisé.
Les prototypes F40 #74047 et #78581 utilisent carrément des éléments d’Evoluzione : ailerons, diffuseurs, tubulures d’admission.
La F40 sera produite à 1.315 exemplaires, et deviendra la Ferrari la plus mythique des années 80.

“Sans l’Evoluzione, la F40 n’aurait jamais existé.” Leonardo Fioravanti, designer Pininfarina

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Ferrari 288 GTO Evoluzione : la machine née pour une guerre qui n’a jamais eu lieu

Le Groupe B vient de naître. Un règlement si permissif qu’il tient plus du manifeste punk que du cahier des charges. 200 exemplaires suffisent pour courir, pas de limite de puissance, aérodynamique libre, matériaux exotiques autorisés. L’idée : relancer le sport auto mondial. Le résultat : une course à la folie.

Ferrari 288 GTO Evoluzione sur les quais, capot moteur ouvert, prototype du Groupe B de 1986

Audi invente le 4x4 turbo, Lancia peaufine ses propulsions de dingues, Peugeot crée une usine dans une usine à Vélizy. Et au milieu de ce barnum, un vieux lion regarde sans bouger : Enzo Ferrari.

En février 1984, Ferrari présente la 288 GTO.
Sous des airs de 308 GTB bodybuildée, c’est en fait un prototype homologué pour le Groupe B.
Moteur V8 2.855 cm³, biturbo IHI, 400 ch, 305 km/h, et surtout un bloc monté longitudinalement — une première pour une “Ferrari de route”.

“L’Evo devait être notre réponse à Audi et Peugeot. Une GT de route capable de courir et de gagner.” Nicola Materazzi, ingénieur en chef Ferrari, interview Classic Driver 2014

En clair, Ferrari prépare une arme à double usage : civil dehors, militaire dedans.
272 exemplaires sont produits entre 1984 et 1985.
Juste assez pour l’homologation.
Mais pas assez pour la course.

errari 288 GTO Evoluzione en test sur piste à Monza, 1986.

1986 : le prototype de l’enfer

En 1986, cinq châssis “Evoluzione” sont assemblés.
Carrosserie carbone-kevlar, énormes extracteurs, prises NACA sur le capot, aileron fixe à la place du moteur.
L’auto est plus courte, plus large, et bien plus dangereuse.
Les chiffres claquent : 940 kg, 650 chevaux, un 0 à 100 en 2,8 secondes, vitesse de pointe estimée à 370 km/h.

Le châssis 50253, premier construit, roule sur la piste de Fiorano au printemps 1986.
Ferrari y installe un système d’injection Weber-Marelli F1 et une cartographie qui fait pâlir les bancs d’essai.
Les pilotes d’essai racontent une voiture “ingérable”, avec un turbo-lag à te catapulter dans la stratosphère si tu rates ton point de corde.

“L’Evoluzione, c’était une bête.
À 5.000 tours, tu pensais que c’était fini. Et à 5.001, l’enfer commençait.”
Dario Benuzzi, pilote essayeur Ferrari

Mais pendant ce temps-là, dehors, le monde brûle

Le 2 mai 1986, Henri Toivonen et son copilote Sergio Cresto se tuent au Tour de Corse dans une Lancia Delta S4.
La voiture explose, le Groupe B s’écroule.
Quelques jours plus tard, Jean-Marie Balestre (le fameux “dealer de liberté” du premier épisode) annonce l’interdiction immédiate de la catégorie pour 1987.
Ferrari, elle, n’a même pas encore fini ses essais.
L’Evoluzione naît dans le silence, alors que la FIA enterre la folie.

Le mythe : cinq voitures, cinq destins

Les châssis sont numérotés 50250 à 50255.
Cinq exemplaires complets, plus un proto à moitié monté.
Certains finissent à Maranello, d’autres chez Michelotto, le préparateur officiel.
Un exemplaire sera vendu à un collectionneur japonais, un autre utilisé comme mule aérodynamique pour la F40.
Le prototype 50253 reste la voiture de développement officielle.
Les quatre autres dorment aujourd’hui dans des collections privées, estimées à plus de 4 millions d’euros chacune.

Ce qu’elle dit du Groupe B

La 288 GTO Evoluzione est le condensé de toute la schizophrénie du Groupe B.
Un règlement qui voulait marier la route et la course, la série et le proto.
Une liberté totale offerte à des ingénieurs qui n’avaient plus de frein.
Une génération persuadée que la technologie sauverait tout.

Le Groupe B, c’est cette période où les ingénieurs se prenaient pour des poètes et où les poètes dessinaient des bombes.
Ferrari arrive pile à ce moment : trop tard pour courir, trop tôt pour comprendre.
Résultat, une voiture née pour le chaos mais condamnée à la contemplation.

“Elle symbolise ce qu’était le Groupe B : la puissance sans contrainte et la mort comme spectatrice.” Autocar, rétrospective 2001

Fun facts à raconter à la machine à café du taff

– La 288 GTO Evo a été homologuée en Groupe B en mars 1986, mais aucune course n’existait plus dans la catégorie au moment de sa présentation.
– Elle développait plus de puissance au litre (227 ch/litre) qu’une F1 turbo contemporaine.
– L’aéro avait été dessinée en partie dans la soufflerie Pininfarina de Cambiano, la même que celle utilisée pour la Testarossa.
– Un des cinq châssis a été vendu en 2019 par RM Sotheby’s à plus de 3,9 millions d’euros.
– Le son du V8 biturbo à Fiorano a été enregistré pour le jeu vidéo Gran Turismo 4  mais la voiture n’a jamais roulé en vrai sur la piste

1987 : la réincarnation

Ferrari ne jette rien.
Les leçons de l’Evoluzione deviennent la F40, présentée le 21 juillet 1987, pour les 40 ans de la marque.
Même châssis allongé, même bloc F114CB 2,9 L biturbo, mais civilisé.
Les prototypes F40 #74047 et #78581 utilisent carrément des éléments d’Evoluzione : ailerons, diffuseurs, tubulures d’admission.
La F40 sera produite à 1.315 exemplaires, et deviendra la Ferrari la plus mythique des années 80.

“Sans l’Evoluzione, la F40 n’aurait jamais existé.” Leonardo Fioravanti, designer Pininfarina

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